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La bonne vie, la bonne mort...7

 

Il y a de nombreuses manières de faire face à la mort ; le fait d'en savoir plus sur la façon dont les autres communautés humaines et non humaines, ainsi que les animaux non humains dans les communautés partagées interspécifiques, abordent la mort n'appauvrit pas le concept, mais au contraire l’enrichit. Afin d'en savoir plus sur la manière dont les autres espaces leur permettant d'agir de la façon qu'ils jugent appropriée. À l'heure actuelle, l'opinion de l'humain sur les autres animaux est souvent fondée sur des préjugés issus de siècles d'oppression, et de nombreuses pratiques visent à les opprimer ; nous ne savons pas comment cette situation évoluera une fois qu'ils auront la possibilité d'élargir leurs choix, en ce qui concerne la manière dont ils s'expriment et les relations qu’ils souhaitent établir avec les humains.

L'amélioration des procédures d'euthanasie des animaux non humains dépend de l'amélioration des relations inter-espèces au niveau sociétal. Réfléchir à l'euthanasie, ou s'efforcer d'améliorer la législation sur l'euthanasie des animaux compagnons, peut sembler futile dans un monde où de nombreux animaux non humains sont tués et souffrent quotidiennement pour les intérêts humains. Cependant, mettre en lumière l'agentivité et la subjectivité des animaux non humains dans différents domaines peut contribuer à faire évoluer les points de vue sur la place qu'occupent les animaux non humains dans les communautés, or les pratiques culturelles sont étroitement liées aux structures politiques. Par ailleurs, il est grand temps de faire valoir que la mort des animaux non humains est un sujet qui mérite d'être discuté et sur lequel les autres animaux ont leur propre point de vue, dans un monde qui ne fait systématiquement aucun cas de leurs vies et de leurs perspectives.

Il est important de se rappeler que les humains sont aussi des animaux. La mort nous sépare des autres, humains et non humains, du moins physiquement, mais elle nous relie également à eux, car en tant qu'animaux, nous partageons tous le destin de mourir à un moment donné. Selon Derrida[52], la mort invalide la conception de Heidegger sur la souveraineté humaine parce que les animaux, humains ou non humains, n'ont pas besoin d'être souverains pour être capables de mourir : la mort les frappe. Elle remet en cause la distinction entre actif et passif, et entre humain et animal. Si certains animaux peuvent choisir la mort, aucun animal ne peut choisir de ne pas mourir. Nous ne savons pas quand nous allons mourir, ni souvent comment, mais il est certain que nous allons mourir - tous les animaux sont des corps, tous,  nous sommes vulnérables. Les humains et les autres animaux sociaux ont aussi en commun d'aimer et de perdre des proches[53] , appartenant à leur propre espèce et à d’autres - l'espèce n'est pas la caractéristique déterminante pour construire des mondes communs et vivre avec les autres[54]. Partager sa vie avec d'autres individus d'espèces différentes leur permet de façonner notre monde, comme nous façonnons les leurs. Lorsque nos proches meurent, nos mondes sont brisés. Réfléchir à la mort des animaux qui nous sont proches devrait commencer par là, dans la vulnérabilité partagée qui nous caractérise, et les relations qui nous relient.

 

Nouvelles directions

Il y a plusieurs façons d'améliorer les procédures inter-espèces entourant l'euthanasie des animaux non humains. Les juristes et les philosophes politiques peuvent examiner plus avant les différences entre les législations relatives à l'euthanasie humaine et à l’euthanasie des animaux non humains. La législation existante devrait être modifiée afin de préserver les intérêts des animaux non humains et prendre en compte leur manière singulière d'être et de connaître le monde. De nouvelles études empiriques sur le chagrin et le deuil des animaux non humains[55], le langage[56] et les cultures[57], peuvent améliorer la compréhension humaine des autres animaux et servir de points de départ pour agir différemment.

Dans le contexte de l'euthanasie des animaux non humains, il n’est pas seulement pertinent d'explorer les liens avec les points de vue sur l'euthanasie humaine ; il est aussi impératif de traiter différemment la souffrance des animaux non humains. Les animaux non humains ne sont pas figés dans le présent, comme on l'a longtemps pensé[58] et, dans de nombreux cas, ils pourraient bénéficier d'une vie plus longue. Les soins palliatifs, et plus généralement les traitements thérapeutiques des animaux non humains, doivent être développés, tout comme les pratiques d'euthanasie[59],[60] . Les vétérinaires devraient être formés à l'éthique, afin de prendre des décisions plus équilibrées.

Les humains peuvent développer de nouveaux modes de vie avec les autres animaux[61] axés sur l'élargissement de la liberté des animaux non humains et sur la favorisation de leur agentivité, par exemple dans les sanctuaires pour animaux d’élevage, les centres de réhabilitation de la faune sauvage et dans les foyers. Dans ces espaces, de nouvelles pratiques inter-espèces peuvent être élaborées en ce qui concerne la mort des animaux non humains. L'euthanasie n'est bien sûr qu'un aspect de la mort des animaux non humains. Permettre aux autres animaux de faire l'expérience de la mort de leurs compagnons, en étant présent au moment de leur décès est également important. Cela peut les aider à comprendre la situation, et peut-être aussi leur donner l'occasion de dire au revoir et de commencer à faire leur deuil. Prendre en considération la douleur et le deuil des animaux non humains est une condition nécessaire pour pouvoir leur offrir du réconfort, ce qui, comme le montre le cas de Harper et Kohl, peut ne pas toujours possible. Enfin, de nouveaux rituels interspécifiques pourraient être élaborées avec les autres animaux, pour les accompagner durant leurs derniers jours.

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[52] Derrida, La bête et le souverain, vol. I et II, Galilée, 2008 et 2010.
[53] Bekoff ; King.
[54] Derrida ; Meijer ; Smuts.
[55] Bradshaw, Elephants on the Edge ; Pierce ; King.
[56] Meijer, op. cit.
[57] Donaldson et Kymlicka ; Smuts.
[58] Pierce, op. cit., p. 464.
[59] Ibid., p. 475.
[60] Sans utiliser et tuer d'autres animaux non humains, pour des raisons éthiques.
[61] Donaldson ; Smuts.