Histoire de séparation
Le désir d’une vache de continuer à vivre est subordonné au
désir des humains occidentaux de consommer quotidiennement une abondance de
produits d’origine animale - un banquet,
comme le montre Dinesh Wadiwel, organisé dans la violence d’une guerre menée
contre les animaux. Une amie qui étudie l’agriculture m’a écrit une lettre
après une visite dans une mégaferme laitière robotisée de Nouvelle-Galles du
Sud, en Australie [17]. La lettre commence ainsi :
Chère Melissa,
Je voulais vous parler de cette visite dans une grande ferme laitière lorsque je préparais un diplôme agricole. Vous savez très probablement comment ils traitent les vaches laitières, mais moi je l’ignorais jusqu’à ce que j’y aille.
La lettre décrit ensuite la vie des vaches dans un immense hangar d’où elles sont rarement autorisées à sortir, excepté deux fois par jour pour la traite; elles sont alors poussées vers leurs stalles respectives et se tiennent debout sur le sol en ciment pendant qu’une machine les trait. Après environ vingt minutes, elles rentrent toutes dans le hangar; d’après ce qu’elle a pu observer, aucune vache n’a interagi avec d’autres. Comme c’est le cas pour la majorité des vaches laitières, chaque vache est régulièrement inséminée artificiellement. Durant cette visite pédagogique, elle a assisté à une naissance :
Lorsqu’une vache est sur le point d’accoucher, elle est enfermée et les ouvriers agricoles restent à proximité. Leur tâche est d’arracher le veau à la vache à la seconde où il naît pendant que d’autres ouvriers tiennent la tête de la vache de sorte qu’elle ne puisse pas se retourner et le lécher, ni le toucher de quelque façon que ce soit – afin d’éviter une contamination. Le veau est emmené dans ce qui ressemble à une grande niche, et attaché avec un collier et une chaine. Il y a des rangées de ces cases à veaux dans un enclos à 500 mètres du hangar géant dans lequel vivent leurs mères. La chaine de chaque veau doit mesurer entre 1m et 1,50 m – suffisamment courte pour que les veaux ne puissent pas avoir le moindre contact les uns avec les autres. C’est ainsi qu’ils passent leur jeunesse.
Le destin de ces veaux ? Une histoire de dommage collatéral. Et pour les mères ? Lors de ses recherches dans une exploitation laitière plus petite, Porcher note :
- la ferme pratique le « zéro pâturage » pour les vaches ;
- les vaches lactantes vivent en stabulation libre (7 m2 par vache) ;
- la ferme est dirigée par un fermier « qui priorise la performance et l’efficacité à sa relation avec ses vaches » ;
- « la moitié du troupeau est abattu chaque année[18] ».
Après avoir observé les mères vaches dans la salle de traite géante, mon amie écrit :
Pour moi, elles semblent mortes à l’intérieur – comme des automates.
Histoire de chez-moi
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[18] Jocelyne Porcher, The ethics of animal labor, A Collaborative Utopia, p. 44-45 [ma trad.].