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Communication politique avec les animaux...8


et se rencontrent d’une manière qui remet clairement en cause les idées existantes sur l’interaction entre humains et animaux. La chienne et l’humaine travaillent ensemble vers un objectif commun et, dans et au travers de ce processus, elles apprennent à se connaître, se changent l’une l’autre et créent un monde commun basé sur une compréhension mutuelle. Cette élaboration d’un monde est politique car il conteste les frontières d’espèce et nous montre que nous pouvons prendre au sérieux les animaux en tant que sujets, et comment le faire. Cayenne Pepper n’est pas du tout silencieuse. Elle s’exprime et a une influence sur le cours de cette conversation dans laquelle il y a de la place pour la nouveauté.
Bien que ces types de conversations (la communication de Vicki Hearne avec les chiens et les chevaux serait un autre bon exemple) questionnent les suppositions ontologico-politiques et sont susceptibles de nous apprendre quelque chose sur la construction de mondes inter-espèces,  prendre sérieusement en compte les animaux et l’agentivité animale pose des problèmes si le cadre institutionnel plus large dans lequel ces conversations ont lieu reste en l’état. On peut le constater à plusieurs niveaux dans le cas de Cayenne Pepper et Haraway. Au niveau individuel, car l’humain décide qu’un entraînement d’agility aura lieu, [et quand et comment il aura lieu], mais aussi au niveau de la société et de la politique. L’interaction se produit dans un monde où les chiens sont élevés par les humains, où les animaux sont mangés par les humains, et utilisés dans des expériences pour la recherche médicale : un monde dans lequel les animaux sont exploités à grande échelle par les humains37. Mon intention n’est pas de suggérer que les chiens ne peuvent pas apprécier l’agility ou qu’ils n’ont jamais envie de jouer ou de travailler avec les humains, ou que toutes les relations peuvent, voire devraient, être entièrement symétriques dans la répartition du pouvoir. Mais si le contexte général demeure inchangé, ces interactions prometteuses laissent les animaux dépendants de la bonne volonté des individus humains de leur entourage, et elles n’atteignent pas leur plein potentiel (politique). Aussi, bien que ce moyen de conceptualiser les interactions soit utile pour  réfléchir à la communication interspécifique à un niveau individuel et pour nous ouvrir les yeux sur de nouvelles formes de coexistence, il paraît nécessaire de chercher comment des rencontres similaires (ou d’un autre type) pourraient être transposées dans un cadre institutionnel politique.

Entre humains, certains jeux de langage peuvent être considérés comme des conversations, et certaines de ces conversations sont politiques. Cela vaut aussi pour les jeux de langage partagés entre humains et animaux ; certains peuvent être vus comme des conversations, dont certaines se produisent dans un contexte politique. Les frontières sont imprécises, d’autant plus qu’il s’agit d’un nouveau territoire, mais les conversations politiques humaines fournissent quelques indications. Les conversations politiques entre humains se produisent dans différentes situations : à l’intérieur  et entre des communautés, entre des individus et des groupes, dans le  cadre de conflits, du militantisme, etc. D’une manière générale, les conversations ne conduisent pas automatiquement à la compréhension ou à l’harmonie ; la possibilité d’un malentendu est inhérente à toutes interactions, et le résultat des actes politiques ne peut jamais être déterminé à l’avance. Néanmoins, des individus et groupes différents peuvent, en discutant, exprimer leurs points de vue, et ainsi une plus grande attention donnée aux conversations humanimales aidera les animaux à faire entendre leurs voix.

On trouve un exemple de situation dans laquelle ont déjà lieu des conversations politiques humanimales dans  l’étude de Jun-Han Yeo et Harvey Neo38 sur les conflits frontaliers entre macaques à longue queue et humains dans la partie urbanisée de Singapour. La population de macaques indigènes de la réserve naturelle de Bukit Timah à Singapour est fortement affectée par le développement résidentiel qui empiète sur son habitat et détruit les corridors fauniques. Le National Parks Board (l’agence qui supervise la préservation des réserves naturelles et de la faune) doit constamment jongler entre les plaintes des résidents et la préservation des populations de macaques. Dans ce conflit, macaques et humains exercent des pressions, mais à des degrés différents ; et à ce jeu-là, les macaques sont généralement perdants. 



Avant de s’y installer, les résidents savaient que des macaques vivaient dans cette région et ils affirment que se rapprocher de la nature était une des raisons pour lesquelles ils avaient choisi de vivre là. Ils nourrissent aussi les macaques, ce qui a incité ces animaux à s’approcher des installations humaines, et a entraîné des problèmes : les macaques volent la nourriture, font du bruit, et les résidents ressentent souvent les rencontres comme problématiques ou effrayantes. Toutefois, l’attitude des humains n’est pas que négative ; en plus de les nourrir, certains d’entre eux aiment l’apparence des macaques et les sons qu’ils émettent, et de nombreux humains pensent qu’ils ne devraient pas être tués.

Une possible solution à ce conflit serait que les humains s’en aillent ; ils savaient que les macaques étaient là avant leur arrivée et ils ont souvent la possibilité d’aller ailleurs. Si c’est impossible, il est nécessaire de chercher de nouvelles formes de communication. Yeo et Neo examinent les différentes façons qu’ont les macaques et les humains d’interagir, comme avoir un contact visuel, décoder le langage corporel de l’autre, rester à distance ou, au contraire, faire des ouvertures. Les  macaques  réagissent  à la parole des




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37. Pour une analyse détaillée de ce problème dans le travail d’Haraway, voir Zipporah Weisberg, « The Broken Promises of Monsters: Haraway », Animals and the Humanist Legacy. JCAS 7/2.
38. Yeo, Jun-Han and Harvey Neo.  «  Monkey Business: Human-animal Conflicts in Urban Singapore », Social and Cultural Geography 11.7. 
Ph.: Timo Sippala, Macaque Monkeys in Bukit Timah, Singapore.
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