comme
l'ont conclu les éthologues Flack et de Waal (2002; 67). L’utilité de l’appel à
la compassion ne devrait pas être sous-estimée. Dans unsondage réalisé en 1998
par l’organisation pro-vivisection Americans for Medical Progress;
La seule fois où les personnes interrogées n’étaient pas convaincues par les arguments en faveur de l’expérimentation animale fut lorsque la souffrance des animaux non-humains était mentionnée. 66% étaient convaincues et 39% n’étaient pas convaincues par l’affirmation suivante : "L’expérimentation animale est cruelle pour les animaux et ils sont souvent maltraités. De plus, les recherches sont souvent dupliquées et gaspillent encore plus d’animaux. Nous devons protéger les animaux et ne pas permettre qu’ils subissent des tests douloureux." (Lewis 2004)
Il
est vrai que l’affirmation en trois parties laisse une légère incertitude sur
les sentiments des personnes interrogées, mais deux des trois parties suggèrent
la compassion comme motif pour rejeter l’expérimentation animale. Plus
important encore est le fait que cette affirmation est la seule du sondage à
avoir provoqué une majorité de réponse anti-vivisection. Ainsi le public
devrait être mis totalement au courant des cruautés dont sont responsables les
humains. L’empathie naturelle des humains vis-à-vis des souffrances d’autrui ne
devrait pas être émoussée par un langage soi-disant objectif ou en lui
épargnant des images choquantes. Pour l’animal, l’atroce et l’horreur sont la
réalité ; un langage anodin est un mensonge, le contraire même
d‘"objectif." Mais nous devons faire en sorte que l’appel à la
compassion ne soit pas bloqué par le dogme de la suprématie humaine - une
considération intrinsèque, puisque la maltraitance envers les animaux ne
pourraient pas avoir lieu sans le soutien de convictions spécistes. La critique
passe par deux étapes nécessaires : l’affirmation de l’égalité morale et le
rejet d’une morale basée sur la domination qui sous-tend les affirmations
inégalitaires.
Peta croit que les animaux ont des droits et méritent que l’on prenne leurs intérêts en considération, qu’ils soient ou non utiles aux hommes. Comme vous, ils sont capables de souffrir et ont un intérêt à mener leur propres vies ; aussi, il ne nous appartient pas d‘en disposer - pour l’alimentation, l‘habillement, les loisirs, les expériences scientifiques, ou pour toute autre raison.(PETA, 2006)
- L’égalité morale
Ici,
puisque les animaux sont considérés comme des fins en soi, on leur accorde
l’égalité morale avec les humains. Ce n’est pas une déclaration factuelle
puisque les valeurs éthiques ne peuvent pas découler des faits mais
représentent plutôt un choix de politique (traiter toutes les espèces avec une
égale considération); c’est "prescriptif et non descriptif " (Regan
1988; 212, résumant le point de vue de Singer). Et c’est un argument de poids car
conforme à la valeur prima facie, acceptée culturellement, selon laquelle on ne
doit pas faire du mal à un être sensible. Nous pouvons alors faire remarquer
que les revendications des spécistes reflètent le choix d’une politique
contraire, à savoir la volonté de faire du mal, bien qu’ils essaient de les
justifier par le fait que les humains possèdent certaines qualités uniques.
Cette
justification contient deux erreurs que nous pouvons exposer. La première est
qu’elle signifie que la possession de certaines qualités, telle que
l’intelligence, confère le droit d’exploiter ceux qui ne possèdent pas ces
caractéristiques. C’est l’erreur mentionnée précédemment qui consiste à fonder
un droit moral sur un fait empirique. La seconde erreur est la tentative pour
conférer un statut moral à ce fait en affirmant que les qualités humaines ont
plus de valeur que les qualités animales. Cela est faux car ici
"valeur" répond à l’argument circulaire "la classe A mérite plus
de bien-être parce qu’elle a la qualité X". Par une heureuse coïncidence,
"la qualité X confère du mérite car elle est particulière à la classe
A" - exprimé parfois ainsi : "C’est ce qui nous distingue des
bêtes". Eckersley appelle cela "l'impératif différentiel" qui implique
de "choisir certaines caractéristiques censées être spécifiques aux
humains…comme mesure à la fois de la vertu humaine et de la supériorité de
l’humain sur les autres espèces."(1996; 283).
Nous
pouvons attirer l’attention sur ce qui motive un tel illogisme en observant que
"Nous ne les exploitons pas parce qu’ils n’ont aucune valeur : nous ne
leur accordons aucune valeur afin de pouvoir les exploiter" (Currie 2006).
Et nous pouvons faire remarquer que les qualités humaines généralement
valorisées sont celles qui confèrent le pouvoir d’exploiter : intelligence,
capacité d’organisation, langage, etc. Les oiseaux peuvent voler sans aucune
aide; les poissons peuvent respirer sous l’eau ; les animaux quadrupèdes sont
plus rapides et / ou plus forts que les humains ; ce n’est qu’en ce qui
concerne le pouvoir que les humains son objectivement "supérieurs " à
tous les autres animaux. Ainsi nous pouvons montrer comment des affirmations
inégalitaires, et en premier lieu irrationnelles, sont utilisées pour
promouvoir un ethos caché du droit du plus fort qui est en contradiction avec
les valeurs que notre culture professe.
- Refus de l’éthique
basée sur la domination
En
effet, si quelqu’un cautionne ouvertement l’éthique basée sur la domination et
approuve ses conséquences, il ne peut pas y avoir de dialogue. Mais si des gens
professent les préceptes de notre culture en matière de bienveillance et
d’altruisme dans leurs conduites à l’égard des humains, ils ne peuvent
raisonnablement pas devenir des tyrans avec des animaux. Currie (2006) exhorte
ses lecteurs à se demander : "Est-ce que je veux vivre dans un monde dans
lequel la fin justifie les moyens ? Est-ce que je veux vivre dans un monde où
les principes du bien et du mal ne s’appliquent qu’aux privilégiés et où le
plus fort a le droit d’exploiter le plus faible ?" Le propos n’est pas de
menacer les gens avec la perspective d’un monde fasciste car ce serait un argument extrinsèque